« Je n’arrive pas à arrêter de penser à ce Nabuchodonosor. »

On a posé des questions random à Edgar Allan Poe, ici se trouvent ses réponses.

Edgar Allan Poe (1809-1848)

En avril 2023, j’ai organisé une soirée d’écritures spirites avec des ami·es. Nous avons posé des questions à trois figures de la littérature fantastique et horrifique : Edgar Allan Poe, Mary Shelley et Howard Phillips Lovecraft. Concrètement, nous avions du vin et des feuilles de papier, ingénieusement transformées en vieux parchemin par Laura, quelques stylos et des convives flamboyants prêts à jouer. Chacun notre tour, nous posions une question à Edgar, Mary ou Howard. Chaque membre de l’assemblée devait ensuite, en quelques instants, écrire un réponse comprenant obligatoirement trois mots donnés au hasard1 . Puis nous lisions à haute voix les morceaux de poésie accidentelle ainsi produits.

Ce principe a très bien fonctionné, a été très drôle, alors que nous n’avions pas tous·tes les mêmes habitudes d’écriture et qu’on se connaissait alors diversement.

Avec l’accord de cette troupe, je retranscris ici les réponses reçues de « l’au-delà » (et j’assume un parti pris de mettre ma pref en gras).

Auteurs et autrices (par ordre aléatoire) : Vincent, Fersatard, Marine, Élodie, Cyrille, Michel, Nour, Amandine, Wilfried, Gwenn et moi-même.

Cher Edgar, où es-tu ?

Je suis au fond de la chambre, allongé sur le lit, mes nageoires écartées dans l’ombre du grand roi babylonien : Nabuchodonosor*.


Je suis dans la chambre, allongé comme une nageoire de requin. Malgré la pénombre, je pense à la soirée magnifique passée avec Nabuchodonosor.


Je suis à mon bureau, dans ma chambre. En manque d’inspiration, je suis allongé à présent. Je tente des nageoires pour me sortir de cette pénombre. Je n’arrive pas à arrêter de penser à ce Nabuchodonosor.


Je suis dans ta chambre. Tu es allongé sur des nageoires de sirènes. Je suis caché dans l’ombre des histoires de Nabuchodonosor.  


Allongé dans une chambre, sur la nageoire tordue d’un Nabuchodonosor, j’appréhende la pénombre.


Dans la chambre, dans la nageoire d’une ombre allongée et collée à Nabuchodonosor.

Cher Edgar, quel est l’animal qui incarne le mieux le lien entre notre monde et celui des esprits ?

Le lien est tapi au fond de la lessive de la marque Cri qui vous fait croire que votre linge sera plein de douceur.


Tapi dans l’ombre, le corbeau nous rappelle par son cri que nous ne pouvons pas croire en l’inexistence de l’au-delà. Il lessive tout bonheur et annihile notre douceur.


Bernard Tapi crie devant l’amiral qui croit avoir assez de lessive pour la douceur.  


Une fois, assis sur un tapis, j’ai entendu le cri d’un corbeau. Je crois que c’est lui, l’animal qui fait le lien. Heureusement que tu fais la lessive.


Je pense que le tapis rouge permet de crier sur une lessive qui croit en la douceur.


C’est un animal tapi qui crie, attendant de croire, te lessive les sens avec douceur pour que ton esprit s’ouvre.


Le cri du tapis vert me fait croire à une douceur lessivante.


Ils croient que le cri du temps lessive la douceur.

The Flying Raven, Ex Libris for The Raven by Edgar Allan Poe, print, Edouard Manet (MET, 24.30.27(1)) Domaine public

Cher Edgar, combien de femmes et d’hommes as-tu eu ?

Mes femmes qui furent admonestées* de leur achroodextrine* furent enfermées de façon abracadabrantesque en Italie. De là à savoir combien… ma mémoire est absente.


L’admonestation de l’achroodextrine abracadabrantesque italienne est une absinthe.


Je me suis de nombreuses fois admonesté sur mes sentiments envers mes compagnes. Probablement à cause de l’achroodextrine, je trouvais les femmes les plus abracadabrantesques, souvent en Italie, en cure pour maladie, avant qu’elles deviennent absentes et disparaissent.


J’ai admonesté par l’achroodextrine. Ce qui m’a permis de rencontrer moult individus abracadabrantesques. L’idée de l’Italie, par son absence, m’a réjoui au plus haut point.


Cette question est une admonestation. Il me faut de l’achroodextrine ! Pour que toute passion abracadabrantesque. Comme ces souvenirs si doux en Italie, aujourd’hui elle est absente.


Je t’admoneste avec tes questions privées. J’ai pris trop d’achroodextrine pour te répondre. Mes relations sexuelles étaient trop abracadabrantesques surtout celles en Italie ! Mais l’amour, toujours, était absent.


Admonestation a été ma première rencontre, sans résultat. Achroodextrine fut la seconde, mais guère mieux. C’est Abracadabrantesque qui me fit comprendre le sens de l’amour en Italie. Hélas, il me fit découvrir l’absence.


Plusieurs. La première Achroodextrine me fit rencontrer plus tard de manière abracadabrantesque, dans une admonestation absente en Italie.

Cher Edgar, quelle est ta couleur préférée ?

J’aime les couleurs douces qu’on peut toucher, présentes comme du lait, une douceur qu’on apprécie tel un lit sur son sommier de lattes.


Couleur douce au toucher, comme du lait dont on est amoureux en tirant une latte.


Douce en était la vue
Doux était son toucher
Sa peau, couleur de lait
M’en rendait amoureux


Ma couleur préférée est celle de la peau, couleur de lait, sur laquelle je pose mon regard amoureux. Douce au toucher, légère comme une latte.


Je trouve le noir doux au toucher, à l’opposé du lait, j’en suis amoureux comme un sommier avec ses lattes.


La douceur du beige qui, par son toucher laiteux. Cet amoureux me bloque dans ses lattes.


C’est un sentiment doux que j’ai touché avec cette couleur, un peu comme le lait. Cela me rend amoureux et, à la fois, c’est comme un coup de latte.


Le plus doux, à mes yeux, est le toucher du lait blanc comme la maladie, que je bois quand je suis amoureux. Une latte blanche pour se frapper de sentiments.


Cette couleur au toucher était si douce, tel le lait, elle me rendait amoureux comme une latte.


D’où viens-tu, toi qui touche ma peau de lait d’une manière si amoureuse ?


La couleur la plus douce au toucher, comme le lait. Celle qui me rappelle mon sentiment amoureux quand j’enfermais ma femme entre les lattes de cette couleur, la couleur marron.

Cher Edgar, es-tu réjoui qu’on t’importune ?

 Un tubercule* aurait été plus agréable alors que je dormais.


Tel le tubercule, je dors et dans mon innocence minuscule le ciel s’ouvre.


Votre intervention est comme un tubercule innocent, minuscule qui se moque de la grossesse du ciel.


Je ne le suis pas. C’est ce tubercule qui m’empêche de dormir. Vous arrivez, en toute innocence. Vous êtes minuscules car moi je vis au ciel.


Autant que de m’enfoncer un tubercule dans le nez avant de dormir. Votre innocence est plus minuscule que le ciel qui s’apprête à vous tomber dessus.


Je jouis de tout, sauf quand la tubercule s’endort en toute innocence. Elle est trop minuscule face au ciel qui m’envahit. L’imposture n’est pas là.


Non ! Ma tuberculle m’empêche de m’endormir et votre question, bien qu’innocente, me rappelle votre importance minuscule dans le ciel rempli de mon malheur.


Non. Un tubercule ne m’empêche pas de dormir d’une innocence enfantine sous ce minuscule ciel.

Ibn Butlan, Tacuinum sanitatis . BnF, Latin 9333, f. 37r.Gallica (BnF).

Edgar, es-tu fier de l’héritage de ton travail ?               

Le chemin fut long et fatal pour mon ouvrage. Mais, il fut écouté et parfois compris. Il est vrai qu’on a tranché et fait trop de crevasses dans le sens de mes écrits. Cela me va.


Le chemin est fatal pour qui écoute la faux trancher pour nous mettre dans la crevasse.


Peu importe le chemin parcouru. Mes mots tranchants comme des couteaux ou profonds comme une crevasse. Ils sont couchés sur le papier mais le vent les a emportés. Écoutez le silence. Fatalement c’est tout ce qu’il restera, qui nous restera.


Mon travail a fait bien du chemin, parfois fatal d’ailleurs. Mais, j’écoute tout avec attention et ne saurait trancher sur une telle question. La qualité de mon héritage se trouve des deux côtés d’une crevasse.


Avec tout ce chemin parcouru, ma vie a suivi la finalité fatale de la mort. Malgré mes discours, vous n’avez pas écouté. Avec vos oreilles tranchées de crevasses putrides.


J’ai fait mon chemin réfléchir, mais l’écriture était fatale. J’ai simplement écouté. Et j’ai tranché de ma plume le papier. J’y ai fait des crevasses. Il faut souffrir pour écrire.


Tous les chemins sont acceptables même les plus fatals. Rien ne sert d’écouter, tout finit par trancher dans les crevasses de nos larmes.


Ce long et ardu chemin me fut néanmoins fatal. L’écoute tranchante de certains me fit parfois plonger dans une crevasse sans fond


Le chemin de l’héritage est fatal si vous n’écoutez les mots. Ne tranchez pas avec justice, vous resterez dans la crevasse


Le chemin fut rude et fatal mais à force de m’écouter, j’ai tranché pour faire de mon tombeau une crevasse.


Vu tout le chemin pour arriver à cette fatale désillusion de devoir vous écoutez poser des questions idiotes, me fait trancher la réponse non. Au fond de la crevasse.

Vous avez tout ce qu’il faut pour reproduire cette séance ! Dans 15 jours, revenez par là pour découvrir les réponses de Mary Shelley.

En attendant dites-moi quelle est votre réponse préférée en commentaire.

Lexique des mots inhabituels

achroodextrine

Produit de transformation de la dextrine ne donnant plus de coloration à l’eau iodée.

Nabuchodonosor

« Ô Nabû, protège mon fils aîné ! »

Nabuchodonosor II est le roi de l’Empire néo-babylonien entre 605 et 562 av. J.-C. Il régna sur le plus vaste empire qu’ait dominé Babylone). Nabuchodonosor est mentionné dans la Bible hébraïque et l’Ancien Testament, notamment comme destructeur du Temple de Salomon

tubercule

En botanique, renflement d’aspect arrondi ou sphérique, pourvu de bourgeons, situé sur une racine, un rhizome, une tige, et qui sert de réserve nutritive à la plante.

En anatomie, petite éminence arrondie, située à la surface d’une partie du corps, d’un organe ou d’un os.

  1. J’avais préparé une liste de mots tout prêts pour aider un peu. ↩︎

En savoir plus sur Les lettres de Phobós

Commentaires

Une réponse à “« Je n’arrive pas à arrêter de penser à ce Nabuchodonosor. »”

  1. Avatar de Sinet arouto
    Sinet arouto

    Intéressant et sympathique comme exercice de linguistique ! Avez vous récidivé ?

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